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CPE, le stigmate

Manifestation contre le CPE.
Mareille le 28 mars 2006

Manifestation contre le CPE.
Mareille le 28 mars 2006.
230 000 personnes.
Toutes la première partie de la manifestation a été occupé par les étudiants. Ils couvraient à eux seul le cours Lieutaud dans toute sa longueur. L’originalité de ce cortège tenait par la multidute de pancartes marginales.
Cette rubrique leur est entièrement consacrée.

Voir aussi LE CPE sur les rails
Le 30 mars 2006, une vague de deux cents étudiants
manifestent pour le retrait du CPE et bloquent la circulation des trains en gare Saint Charles à Marseille.
© Vincent LUCA.S
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Ci dessous trois fusées de tendresse et d’espoir.
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1°/ "Chômage, des secrets bien gardés"
(La bas si j’y suis Emission du 30 mars).
Nouvelle diffusion du reportage d’Olivia Gesbert avec Marie,(Fabienne Brutus) employée de l’Anpe.

Avec 23 000 agents et 1000 agences, l’ANPE avait pour première mission, celle de chercher des emplois, accueillir les chômeurs et les aider à se replacer.Comment est-elle devenue un outils utilisé par le gouvernement pour minimiser les chiffres du chômage et exclure les demandeurs d’emploi ?
A lire de Fabienne Brutus, « Chômage, des secrets bien gardés », aux éditions Jean-Claude Gawsewitch
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2°/Enjeux et piéges du CPE
Par Yannis Youlountas
poète philosophe citoyen,
président du Cercle des Poètes Tarnais.

Il est des moments où dire non, c’est dire : je suis un homme ! Le moment est venu de le dire haut et fort.
Il est des rendez-vous de l’Histoire à ne pas manquer ; des rendez-vous qui nous rendent la parole pour affirmer notre humanité et nos utopies martyrisées.
N’attendons plus le changement devant notre petit écran, car rester assis, c’est se mettre à genoux.
Rassemblons-nous pour une véritable grève générale.

Mais ne nous trompons pas de destination : le pouvoir n’est plus à la mairie ni à la préfecture ni même à l’Elysée ;
le pouvoir est au sommet des organismes financiers dont l’épicentre est La Bourse.
C’est au règne de l’argent qu’il faut maintenant s’adresser pour rappeler le droit du peuple de disposer de lui-même.
C’est à ceux qui nous dépècent, qui nous prennent, qui nous jettent, qu’ils nous faut scander que nous ne sommes plus à vendre.

Cependant, n’oublions pas qu’aucune parole ne remplace les actes, que le faire prime sur le dire.
Aussi méfions-nous des agissements qui altèrent notre message et alimentent les contre-sens médiatiques :
ne répondons pas à la violence sociale par la violence civile.

Puisque nous désirons une société où l’être humain serait respecté dans son intégrité physique, morale et intellectuelle,
affirmons notre non-violence et préservons-là.

Soyons ensemble et chacun tels que nous souhaitons le monde de demain.

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3°/Appel aux refus du CPE.
Par Igor Babou et Joëlle Le Marec
Responsables des Master "Sciences de l’information et de la communication" de l’Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines, Lyon
"Indicipline"

Nous sommes enseignants et chercheurs en sciences humaines et sociales.

Notre activité consiste à tenter de comprendre les faits sociaux, leur articulation avec les enjeux politiques, leur épaisseur historique, leurs manifestations contemporaines. Nous sommes aussi parents, enseignants en charge de la transmission des connaissances, des valeurs et du patrimoine culturel aux générations qui nous succèdent.

En charge aussi et surtout de la construction d’un esprit critique s’appuyant sur les acquis d’une culture du questionnement héritée du siècle des Lumières qui a fondé nos démocraties.

Nous sommes les témoins du mouvement de contestation des étudiants et lycéens contre le CPE et plus largement contre le projet de loi pour l’égalité des chances.

Il est impossible de rester extérieurs à cette crise.

Celle-ci secoue en réalité la société française depuis de nombreuses années, et atteint un paroxysme à l’occasion de différents phénomènes qu’il s’agit de comprendre ensemble : réformisme compulsif des institutions, loi sur le droit d’auteur dans la société de l’information (DADVSI), projet de dépistage précoce des troubles du comportement chez l’enfant, et loi pour l’égalité des chances et notamment pour le contrat première embauche. Ce n’est pas faire des amalgames que de signaler les liens organiques entre ces réformes. Une rhétorique monotone et uniforme de légitimation atteste de leur parenté idéologique : il s’agit de « débloquer la société », de « rattraper un retard », de s’adapter à la « réalité d’un monde qui change », d’« accroître la compétitivité », etc.

Le refus du CPE, après celui de la constitution européenne, est l’indicateur qu’une autre lecture du monde est faite par les acteurs sociaux. Ceux-ci ne vivent pas naïvement dans un monde d’illusions, tandis les hommes politiques seraient, eux, dans la réalité vraie du monde[1]. On a affaire à différentes lectures du monde, sous-tendues par des rapports de domination dont certains vont profiter et que d’autres vont subir. Certains chercheurs, nous-mêmes dans nos propres enquêtes, faisons le constat d’une souffrance sociale croissante dans le monde du travail, et d’une menace sur les relations de confiance qui structurent le lien aux institutions. Dans ce contexte, au nom des connaissances que nous produisons - lesquelles ne se réduisent pas à des visions fonctionnelles et économistes de la société – nous ne pouvons que comprendre le mouvement de contestation du CPE, et y adhérer.

Contrairement aux apparences, les lycéens et étudiants ne luttent pas contre les institutions républicaines : ils sont parmi les seuls à y croire encore suffisamment pour faire le sacrifice de leurs propres intérêts dans leurs modes d’action. Leur rapport à la politique est plus authentique et plus fort que celui des élus, ministres, syndicalistes et autres professionnels et experts de la politique. C’est pourquoi il est de notre devoir de parents, de professeurs, de proviseurs, de directeurs d’établissements, de prendre des positions claires contre cette loi. Rappelons que la conférence des présidents d’université (CPU) et le Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la recherche (CNESER), ont demandé officiellement le retrait de cette loi. Il faut suivre ces exemples. Rappelons également que plus de 3000 chercheurs et professionnels de la culture et des médias ont lancé un appel à la désobéissance civile contre la loi DADVSI, qui est de fait inapplicable pour qui veut faire correctement son métier d’enseignant ou de professionnel de la culture.

Nous sommes convaincus qu’une grande partie des enseignants et des responsables éducatifs ressentent au quotidien, le travail de sape inouï qui est mis en œuvre depuis quelques années contre les mécanismes de transmission des connaissances et des valeurs, de préservation des principes de solidarité, de compensation des inégalités. Mais tous, universitaires enseignants, nous restons étonnement passifs, paralysés par des principes légalistes que ne respecte guère la sphère politique. Celle-ci affiche quotidiennement son cynisme et son mépris de l’intérêt général : le ministre de l’éducation nationale ordonne le recours à la force pour stopper le mouvement lycéen.

C’est au nom du sens des responsabilités que nous devons prendre la parole et dénoncer cette attitude irresponsable.

Nous avons le devoir de demander, où que nous soyons, le retrait de la loi pour l’égalité des chances.

Nous avons le devoir, bien au-delà de cette contestation, d’inventer avec les jeunes de nouvelles formes d’implication dans la vie publique qui concrétisent réellement les valeurs que nous sommes supposés porter au sein des institutions dont nous avons nous-mêmes hérité.

[1] Villepin le 16 mars « moi je suis dans le réel ! Les Français, les médias, sont dans le virtuel » (Le Monde du 30 mars 2006 p. 26).