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Eloi Dürrbach

Le domaine de Trevallon

Eloi Dürrbach et Le domaine de Trevallon
Dany Bruet et Vincent LUCAS
ont renconté cet Artiste résistant à la normopathie ...

Le domaine qui se situe sur la commune de Saint-Etienne-du-Grès, dans le département des Bouches-du-Rhône, a acquis de nos jours une telle renommée qu’on en oublie parfois que sa création est assez récente. Précurseur de la renaissance du vignoble des Baux, Eloi Dürrbach a planté les premières vignes dans les Alpilles en 1973. « Au début des années 1970, je faisais des études d’architecture aux Beaux Arts, à Paris et j’ai tout plaqué pour venir planter de la vigne ici. C’était en 1973 ! »

Des travaux titanesques sont alors entrepris pour gagner de l’espace sur la garrigue et créer de toute pièce des parcelles de vignes. Des rochers sont dynamités, les sols travaillés en profondeur et les éclats de roches mélangés à la terre. Durant l’hiver 1973, Eloi Dürrbach peut enfin planter ses 3 premiers hectares de vignes. C’est en 1976 que le premier millésime de Trevallon verra le jour.

Les nouvelles étiquettes de Trevallon sont sorties pour le millésime 96. Elles sont l’œuvre de René Dürrbach, le père d’Eloi Dürrbach, disparu en 2000, à l’âge de 89 ans. René Dürrbach, peintre et sculpteur, fût l’ami de nombreux peintres dont Fernand Léger, Robert Delaunay et Pablo Picasso. « A la fin de sa vie, témoigne Eloi Dürrbach, mon père ne peignait presque plus mais je lui ai demandé s’il voulait bien travailler sur les étiquettes de Trevallon.Ce qu’il a accepté.

Je lui ai donc confié 50 affiches et il s’est mis à dessiner dessus, selon son inspiration, avec des crayons de couleurs. Je les trouve extrêmement originales. Chaque année nous choisissons une étiquette dont le dessin correspond aux caractéristiques du millésime. L’étiquette du 2001, par exemple, est exubérante comme le millésime, en 2003 il y a quelque chose de solaire...
Ces étiquettes sont un hommage à mon père qui a contribué à faire en sorte qu’il y ait de la vigne à Trevallon ».
Le contact d’Eloi Dürrbach
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Pour illustrer ce portrait nous avons trouvé tout à fait approprié le texte de Jonathan Nossiter.
Il est l’auteur du documentaire Mondonvino

Un vigneron est à la fois un agriculteur, un commerçant et un artiste. Son attachement à la terre est d’une grande humilité, étant soumis aux caprices de la nature, et parallèlement le vin qu’il crée par son travail sur cette même terre, est directement lié aux plus grandes ambitions de la culture dans laquelle il vit. Et comme les artistes, il essaie de faire rêver, d’apporter des plaisirs, et de provoquer des échanges entre les gens. L’œuvre pour laquelle le vigneron donne son âme est – contrairement aux œuvres d’art – intrinsèquement éphémère, et produit d’immédiateté. Il évite donc nécessairement le piège signalé par Orson Welles : « la seule chose plus vulgaire que de travailler pour l’argent, c’est de travailler pour la postérité ». Un vigneron est par conséquent une des personnes les mieux placées pour révéler les tendances et les forces sous-jacentes d’une culture à un moment donné.

Par exemple, ce n’est pas un hasard si le vin a connu un essor prodigieux dans les années 1970, aux Etats-Unis. On découvrait un vin californien parfois un peu rêche, un peu difficile à avaler, mais toujours provocant, radical et plein d’énergie. Il existait chez ces vignerons un élan de découverte et un désir d’expérimentation. Avec les années 1980 et l’arrivée d’une culture reagannienne, le vin de Californie a commencé à changer. On a vu apparaître des vins plus policés, plus médiatisés, élaborés grâce à l’argent, mais sans âme. Le vin devenait un « big business ». Les petits vignerons californiens des années 70 qui ressemblaient aux Bourguignons ont alors été rachetés par de grands sociétés. Coca-cola a acquis Sterling Vineyards dans les années 80. puis dans les années 90 Coca a revendu la « Winery » à Diageo, une compagnie encore plus internationale, exactement au moment où l’idée du pays d’origine d’une grosse société devenait absurde. On peut donc observer, à travers le vin, les mutations de la culture américaine, et l’évolution de sa position dans le monde.
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Mondovino est un documentaire vertigineux sur les ravages de la mondialisation économique, une vaste enquête sur le nouveau marché du vin, ou comment les Mondavi, une famille californienne attirée par l’odeur du profit (bien aidée par un critique gastronomique omnipotent, Robert Parker et son ami français, Michel Rolland qui, lui, établit les crus à la carte dans ses laboratoires de goût), se sont emparés d’une culture millénaire en imposant une norme universelle. Jonathan Nossiter n’a même pas besoin de forcer le trait ou d’expliquer par une voix off les tenants et les aboutissants d’une dérive quasi mafieuse.

Jonathan Nossiter est un réalisateur indépendant américain très apprécié de la critique, il a une seconde passion en dehors des plateaux de cinéma, le vin. Onologue respecté - il établit la carte des vins de certains grands restaurants new-yorkais.