Accueil > Vincent LUCAS > LES CITOYENNES > Le Repaire de Marseille > François Ruffin
Régis Soubrouillard - Marianne | Mardi 9 Février 2010 à 17:01
Arte diffuse un documentaire sur les difficultés de la profession journalistique. La chaîne a interrogé huit barons de la profession. Résultat : un constat d’autant plus étonnant qu’il pointe parfois du doigt les pratiques régulières de médias auxquels ils appartiennent.
Mais avant tout, ne vous privez pas d’écouter l’entretien téléphonique entre la journaliste Pascale Pascariello de "Là-bas si j’y suis" sur France Inter et le le Préfet de Clermont Ferrand monsieur Patrick Stefanini qui se justifie sur l’expulsion de la petite Salima. C’est ce journalisme là qui restera dans notre histoire, la grande Histoire, pas celle écrite par les pouvoirs.
.....................................................................................................................
Médias : quand la pensée unique s’en prend à la pensée unique
Jean-Pierre Elkabbach, Eric Fottorino, Arlette Chabot, Axel Ganz, Philippe Val, Edwy Plenel, Franz Olivier Giesbert, David Pujadas. Huit pointures du journalisme. Pas seulement. « Huit journalistes en colère » aussi. C’est le titre du documentaire, diffusé ce soir sur Arte, réalisé par Denis Jeambar (membre du conseil d’administration de Marianne), ancien directeur de l’Express qui leur a demandé de lui soumettre un édito sur les difficultés de la profession. « Ces huit journalistes ont vu l’information changer. Nous les avons réunis aujourd’hui parce que le journalisme va mal. Et quand l’information va mal, c’est toute la démocratie qui est en danger » commente le réalisateur.
Le générique est angoissant, ça va cogner sévère. Façon « ils reviennent et ils ne sont pas contents ».
David Pujadas est le premier à passer à la question : « Le journalisme n’est soumis à personne sauf à lui même » assure le présentateur. « Il souffre d’abord de conformisme et de mimétisme. La presse écrite regarde la télé, la télé écoute les radios, les radios lisent les journaux. Et on a le sentiment d’un bruit de fond médiatique avec les mêmes mots, un même regard, un journalisme des bons sentiments. Une bien-pensance, celle qui voudrait que le faible a toujours raison contre le fort. Une dérive mal digérée de la défense de la veuve et de l’orphelin, qui a l’apparence du courage ».
Le constat est bien posé. Alors on écarquille les yeux, on réécoute. On se réveille. Est-ce bien le présentateur du 20 heures de France 2 qui nous parle ici ? Journal dont on se rappelle les images d’une journaliste de France 2 prenant part aux opérations de secours, filmant le sauvetage d’un jeune garçon en Haïti, en partie grâce aux équipes de France 2. Laquelle, si on a bien coimpris Pujadas, a dû se faire remonter les bretelles au retour d’Haîti : n’est-elle pas tombée elle aussi dans la marmite de la bien-pensance ?
Pujadas le rappelle, pour s’en sortir, il faut surtout « ne pas se glisser dans un moule ». Preuve que la puissance de la structure et la force des habitudes dépassent toutes les bonnes volontés. Ou que l’art du sophisme pour défendre la caste des médiacrates a de beaux jours devant lui.
Val : le piège du Bien et de la pureté
Médias : quand la pensée unique s’en prend à la pensée unique
Patron de France Inter, Philippe Val, - en rien idéologue, c’est connu…- estime que le pire ennemi du journalisme c’est « sa conviction d’être au service du Bien et de la pureté. Il n’est pas une religion. La tentation est grande de faire primer la thèse sur les faits. Le nombre de ceux qui sont tombés dans le piège du Bien est suffisamment critique pour que la profession en soit malade ». Une invitation à penser contre soi-même. Le projet est sympathique. Pas franchement original surtout si on exempte soi-même de la démarche. Et Val de citer ses éternelles marottes : l’Amérique de Bush, Israël etc.
« Penser contre soi-même » qu’ils disaient.
Elkabbach : assez d’agir en meute, d’encenser, de vilipender
Médias : quand la pensée unique s’en prend à la pensée unique
Elkabbach se présente devant la caméra. « 4,3,2,1…0 ». Il ferme les yeux. Souffrance. « Je me garderai bien de jouer les imprécateurs, les donneurs de leçons, il y en déjà trop ». Le panneau est gros comme une maison. Les leçons abondent, Elkabbach récite sa leçon, la même que Val (à ceci près que l’un des deux officie sur le service public…) : « Assez de considérer les affaires du monde comme une bataille entre le Bien et le mal, assez d’agir en meute, de nous copier, de nous complaire dans la peoplisation, dans l’émotion, l’irrationnel et le voyeurisme. Assez d’encenser et de vilipender le lendemain ». Un condensé de Pujadas et Val.
Les témoignages se succèdent comme une preuve de l’enfermement de cette élite médiatique en son « Palais de Cristal ». Bulle confortable ultra-protégée où il est aisé de poser les constats en professionnel pour s’en défaire aussitôt. Quelques exemples histoire de dépasser les grands principes ? Référendum européen, Sarkozy, Bétancourt, G8, G20, Copenhague et tant d’autres. Autant de bulles spéculatives du marché de l’info gonflées par les mass médias qui ont fini par s’effondrer sans que jamais la plupart des intervenants de ce documentaire ne s’extraient de leur bulle pour penser - vraiment - l’événement. Ce ne fut que complaisance, meute, voyeurisme, bien-pensance etc.
Plenel : la vérité est-elle dérisoire ?
*
Effroyables complotistes
*
Vues à la télé : les nouvelles stars de la burqa
*
L’Obs étrille France 24, qui se défend... mal
Médias : quand la pensée unique s’en prend à la pensée unique
Le chapitre Internet n’échappera pas aux éternels clichés. Pointant du doigt la caméra, Arlette Chabot lance un appel : « Méfiez vous de la théorie du complot. L’idée que les médias traditionnels vous cacheraient la vérité. C’est vrai grâce à Internet aucune information ne pourra être dissimulée, mais un jour vous apprendrez que vous avez été manipulé, trompé ». Et Chabot de citer l’exemple de France 2 trompé par des images venant du Net et…reprises par la rédaction de France 2 sans vérifications. Lumineux, en effet.
En marge de ce défilé de bons sentiments contre la pensée unique, Edwy Plenel rappelle l’épisode de la présence –ou non- de Nicolas Sarkozy à Berlin le 9 juin 1989. Un gros buzz sur la Toile, une information jugée dérisoire par les médias traditionnels : « Est-ce que la vérité est dérisoire ? » interroge le patron de Médiapart.
Le Palais de Cristal des élites médiatiques
Médias : quand la pensée unique s’en prend à la pensée unique
S’en suit une litanie de recettes à mettre en œuvre, toutes susceptibles de sauver la presse. « Les quotidiens ne survivront que si leur offre éditoriale est adaptée au contexte » (Fottorino), « il n’y a pas plus critique plus cruel pour le journalisme que les journaux gratuits » (Val), « je crois à une presse papier plus maigre, plus offensive, plus sélective, plus haut de gamme » (Plenel).
Impression étrange de journalistes qui parlent comme les patrons de presse qu’ils sont devenus, à la fois consultants et managers à la recherche d’un nouveau modèle économique et analystes posant des constats « extra-lucides » sur l’état d’une profession. Celle-là même qui a contribué à poser et accepter les fondations du journalisme de masse, qui s’exempte aisément de la question de ses dérives, de sa perte de légitimité, de son existence pour s’en remettre à quelques adaptations de confort et, sans doute, illusoires.
Mais avant tout, ne vous privez pas d’écouter l’entretien téléphonique entre la journaliste Pascale Pascariello de "Là-bas si j’y suis" sur France Inter et le le Préfet de Clermont Ferrand monsieur Patrick Stefanini qui se justifie sur l’expulsion de la petite Salima. C’est ce journalisme là qui restera dans notre histoire, la grande Histoire, pas celle écrite par les pouvoirs.
.....................................................................................................................
Médias : quand la pensée unique s’en prend à la pensée unique
Jean-Pierre Elkabbach, Eric Fottorino, Arlette Chabot, Axel Ganz, Philippe Val, Edwy Plenel, Franz Olivier Giesbert, David Pujadas. Huit pointures du journalisme. Pas seulement. « Huit journalistes en colère » aussi. C’est le titre du documentaire, diffusé ce soir sur Arte, réalisé par Denis Jeambar (membre du conseil d’administration de Marianne), ancien directeur de l’Express qui leur a demandé de lui soumettre un édito sur les difficultés de la profession. « Ces huit journalistes ont vu l’information changer. Nous les avons réunis aujourd’hui parce que le journalisme va mal. Et quand l’information va mal, c’est toute la démocratie qui est en danger » commente le réalisateur.
Le générique est angoissant, ça va cogner sévère. Façon « ils reviennent et ils ne sont pas contents ».
David Pujadas est le premier à passer à la question : « Le journalisme n’est soumis à personne sauf à lui même » assure le présentateur. « Il souffre d’abord de conformisme et de mimétisme. La presse écrite regarde la télé, la télé écoute les radios, les radios lisent les journaux. Et on a le sentiment d’un bruit de fond médiatique avec les mêmes mots, un même regard, un journalisme des bons sentiments. Une bien-pensance, celle qui voudrait que le faible a toujours raison contre le fort. Une dérive mal digérée de la défense de la veuve et de l’orphelin, qui a l’apparence du courage ».
Le constat est bien posé. Alors on écarquille les yeux, on réécoute. On se réveille. Est-ce bien le présentateur du 20 heures de France 2 qui nous parle ici ? Journal dont on se rappelle les images d’une journaliste de France 2 prenant part aux opérations de secours, filmant le sauvetage d’un jeune garçon en Haïti, en partie grâce aux équipes de France 2. Laquelle, si on a bien coimpris Pujadas, a dû se faire remonter les bretelles au retour d’Haîti : n’est-elle pas tombée elle aussi dans la marmite de la bien-pensance ?
Pujadas le rappelle, pour s’en sortir, il faut surtout « ne pas se glisser dans un moule ». Preuve que la puissance de la structure et la force des habitudes dépassent toutes les bonnes volontés. Ou que l’art du sophisme pour défendre la caste des médiacrates a de beaux jours devant lui.
Val : le piège du Bien et de la pureté
Médias : quand la pensée unique s’en prend à la pensée unique
Patron de France Inter, Philippe Val, - en rien idéologue, c’est connu…- estime que le pire ennemi du journalisme c’est « sa conviction d’être au service du Bien et de la pureté. Il n’est pas une religion. La tentation est grande de faire primer la thèse sur les faits. Le nombre de ceux qui sont tombés dans le piège du Bien est suffisamment critique pour que la profession en soit malade ». Une invitation à penser contre soi-même. Le projet est sympathique. Pas franchement original surtout si on exempte soi-même de la démarche. Et Val de citer ses éternelles marottes : l’Amérique de Bush, Israël etc.
« Penser contre soi-même » qu’ils disaient.
Elkabbach : assez d’agir en meute, d’encenser, de vilipender
Médias : quand la pensée unique s’en prend à la pensée unique
Elkabbach se présente devant la caméra. « 4,3,2,1…0 ». Il ferme les yeux. Souffrance. « Je me garderai bien de jouer les imprécateurs, les donneurs de leçons, il y en déjà trop ». Le panneau est gros comme une maison. Les leçons abondent, Elkabbach récite sa leçon, la même que Val (à ceci près que l’un des deux officie sur le service public…) : « Assez de considérer les affaires du monde comme une bataille entre le Bien et le mal, assez d’agir en meute, de nous copier, de nous complaire dans la peoplisation, dans l’émotion, l’irrationnel et le voyeurisme. Assez d’encenser et de vilipender le lendemain ». Un condensé de Pujadas et Val.
Les témoignages se succèdent comme une preuve de l’enfermement de cette élite médiatique en son « Palais de Cristal ». Bulle confortable ultra-protégée où il est aisé de poser les constats en professionnel pour s’en défaire aussitôt. Quelques exemples histoire de dépasser les grands principes ? Référendum européen, Sarkozy, Bétancourt, G8, G20, Copenhague et tant d’autres. Autant de bulles spéculatives du marché de l’info gonflées par les mass médias qui ont fini par s’effondrer sans que jamais la plupart des intervenants de ce documentaire ne s’extraient de leur bulle pour penser - vraiment - l’événement. Ce ne fut que complaisance, meute, voyeurisme, bien-pensance etc.
Plenel : la vérité est-elle dérisoire ?
*
Effroyables complotistes
*
Vues à la télé : les nouvelles stars de la burqa
*
L’Obs étrille France 24, qui se défend... mal
Médias : quand la pensée unique s’en prend à la pensée unique
Le chapitre Internet n’échappera pas aux éternels clichés. Pointant du doigt la caméra, Arlette Chabot lance un appel : « Méfiez vous de la théorie du complot. L’idée que les médias traditionnels vous cacheraient la vérité. C’est vrai grâce à Internet aucune information ne pourra être dissimulée, mais un jour vous apprendrez que vous avez été manipulé, trompé ». Et Chabot de citer l’exemple de France 2 trompé par des images venant du Net et…reprises par la rédaction de France 2 sans vérifications. Lumineux, en effet.
En marge de ce défilé de bons sentiments contre la pensée unique, Edwy Plenel rappelle l’épisode de la présence –ou non- de Nicolas Sarkozy à Berlin le 9 juin 1989. Un gros buzz sur la Toile, une information jugée dérisoire par les médias traditionnels : « Est-ce que la vérité est dérisoire ? » interroge le patron de Médiapart.
Le Palais de Cristal des élites médiatiques
Médias : quand la pensée unique s’en prend à la pensée unique
S’en suit une litanie de recettes à mettre en œuvre, toutes susceptibles de sauver la presse. « Les quotidiens ne survivront que si leur offre éditoriale est adaptée au contexte » (Fottorino), « il n’y a pas plus critique plus cruel pour le journalisme que les journaux gratuits » (Val), « je crois à une presse papier plus maigre, plus offensive, plus sélective, plus haut de gamme » (Plenel).
Impression étrange de journalistes qui parlent comme les patrons de presse qu’ils sont devenus, à la fois consultants et managers à la recherche d’un nouveau modèle économique et analystes posant des constats « extra-lucides » sur l’état d’une profession. Celle-là même qui a contribué à poser et accepter les fondations du journalisme de masse, qui s’exempte aisément de la question de ses dérives, de sa perte de légitimité, de son existence pour s’en remettre à quelques adaptations de confort et, sans doute, illusoires.